La dramaturgie
Yves Lavandier, Edition le Clown et l'Enfant
Ouais, écrire des scénarii, tout-ça... c'est pas si facile qu'on pourrait croire. Trop plein de choses à penser, à prévoir. Une maîtrise quasi-perfecte des personnages, leurs histoires, les décors... puis d'ordre dramaturgique, les conflits et obstacles, internes et/ou externes, devant tenir la route et être à la hauteur des attentes des (futurs) spectateurs. Surtout ne pas oublier les paiements. Eviter les deus-ex-macchina (choix personnel).
Bref, intéressant, mais pas aisé ! Et pour peu qu'on se spécialise dans un genre : comédie, et encore plus angoisse sont les plus difficiles (si on ne vise pas les récits de merde). Tout ça pour parler... Littérature, et oui. Enfin, pas que.
La Dramaturgie, d'Yves Lavandier. Ce bouquin est un pavé, mais aussi une bible pour toute personne qui se déstine à l'écriture. Attention, pas n'importe laquelle, celle qui a pour but d'être représentée et reçue par un public. Le théâtre et le cinéma quoi ! Je vous avoue ne pas être une pro, je n'ai même pas encore vu toutes les facettes de ce livre. Ce qui est sûr c'est qu'il est à lire. Tout le vocabulaire est répertorié, les plus grands auteurs aussi. (Le terme bible est vraiment jusitifié). Il ne permet pas d'écrire LE scénario parfait qui comblera tout spectateur. Il énonce les règles nécessaires pour que le récit tienne au moins la route (et c'est déjà beaucoup). Il donne des exemples de films dont le récit même est caduque ; les prouesses techniques et esthétiques n'excusent pas toujours une histoire qui ne fonctionne pas. L'abondance d'exemples cinématographiques (films et réalisateurs) fait que l'on comprend bien, aucun doute possible sur les définitions de termes, les aspects techniques ou narratifs. L'ajout de référénces de philosophes et épistémologues (Chomsky, Truby, l'école de Palo Alto...) renforcent le bien fondé de ses propos. (Si on ne connait pas, il explique leurs idéés.) Les propos sont donc très accessibles.
Lavandier, explique les différents aspects d'un film/d'une pièce attendus par le public, et qui doit donc apparaître dans l'écrit de pièce ou scénario. Agrémenté de nombreuses références pour la plupart culte (Psychose, Pulp Fiction, La vie est belle, Andromaque...), il défent certaines utilisations à d'autres. Son parti pris est radical et, en tant que lecteur passif, pas moyen d'argumenter quoi que ce soit pour rétorquer ou juste échanger.
Si je parle de ce bouquin, c'est aussi pour dénoncer / parler d'un passage en particulier (début du livre, page 93, Chapitre 3 sur les obstacles). Ca concerne le parti pris de Lavandier. J'aimerai plutôt parler du choix, des goûts de chacun, et l'appréciation des différents genres. Les genres existent bel et bien. Même si certains films peuvent appartenir à plusieurs genres, ils sont classés. De là, chacun son choix pour préférer les drames aux comédies, non ?
Ok, donc : Chapitre 3 : Les obstacles / B. Efficacité des obstacles / Force des obstacles / L'excès d'obstacles. Ici, l'auteur explique les 4 problèmes engendrés par l'excès d'obstacles dans un récit. Le quatrième est, je cite "Le spectateur a l'impression d'un acharnement ou d'une complaisance sadique." Il nomme les scènes de viols de Chiens de Paille, d'Irréversible, d'Orange mécanique. Les scènes de tortures de La passion du Christ, Réservoir dogs, Pulp fiction. Il dit que dans ces films, l'auteur nous laisse le temps de nous "délecter" des scènes violentes. Ca, ajouté au fait qu'on sait que le personnage ne s'en sortira pas ; d'après lui, ça ne fonctionne pas. Déjà, concernant l'accroche au film, les plans où la violence est visible n'empêche pas de suivre le récit. Certaines personnes ne supportent pas ces films, certes. Mais d'après moi, avoir accès à la violence (au cinéma) n'est pas un mal. Ce n'est pas sadique que de vouloir voir ! C'est rare d'être confronté à des images de ce type, et le rendu esthétique est parfois tellement... bien, beau, réel ! (Question esthétique, je nomme Last Caress ou Blackaria de François Gaillard, dont j'avais déjà parlé sur ce blog.)
Tout comme faire rire n'est pas toujours aisé au cinéma, répugner, faire horreur, faire peur l'est encore moins ! Et quand les prises de vues, les effets et le montage fonctionnent, c'est niquel. D'aimer ce type de films ne fait pas de moi quelqu'un de morbide, d'assoiffé de sang ou même simplement d'agressif et méchant. Au contraire ! (Après, si y a des gens tordus qui s'inspirent des films pour reproduire dans la vie, c'est autre chose.) Puis, Lavandier dit que Tarantino justifie ses scènes par de l'artistique, pour une question de cohérence aux personnages et poursuit "la belle excuse" ! Je pense aussi que Tarantino se plait à faire ses films. Mais il a droit au succès, c'est que ça fonctionne. Après, si on prend l'exemple de Tesis, d'Amenabar, une des premières scène du film est le suicide d'une personne dans le métro. Les passagers descendent et sont tous à l'affut pour voir le mort, le personnage principal aussi, et nous de même ! Ok, on est hésitant, on a presque peur de ce qu'on a va voir, mais on est curieux, on veut savoir et voir. Finalement on ne la voit pas et on est presque déçu. Preuve quand même qu'on recherche ce genre d'images morbides. J'aime les films qui prennent aux tripes, j'assume, et je pense que c'est se mentir de dire que c'est inhumain de réaliser ou de regarder ce genre là. Je précise quand même que c'est pas non plus avec plaisir qu'on voit les gens se faire tabasser et massacrer le crâne par un extincteur (Irréversible) ou une simple bouteille (Le Labyrinthe de Pan). (D'où le fait que ça prenne aux tripes...)
Ormis cet apparté sur les goûts et les couleurs, et la réponse au 4ème problème lié à l'excès d'obstacles de Lavandier, je conseille fortement ce livre a qui se prédestine à l'écriture !