"L'amertume finit par tuer." Pierre Billon
Par Julie Mlk le 16 mai 2017, 22:37 - Spectacle vivant - Lien permanent
Bag For Life
Derry Production. 2017
Production venue de l'Irlande du Nord.
[Pour info, un "bag for life" est le fenre de sac en plastique solide que tu achètes aujourd'hui en caisse, sensé durer toute la vie, réutilisable quoi.]
Une femme, seule sur scène. Des écrans suspendus sur le plateau l'entourent. Elle se trouve légèrement surélevée au milieu d'un triangle blanc. On comprendra rapidement l'allusion à la perspective d'un rayon de supermarché.
Le lumières s'éteignent dans le salle. Des projections débarquent sur les écrans : des "fuck" clignotent et s'affichent partout dans différentes polices. La femme se retourne. "Fuck. Fuck... Fuck."
C'est parti pour 75 minutes de spectacle.
Dans quoi avais-je mis les pieds ?
Dans un putain de show. Une putain de performance.
Un samedi matin, aux courses, la nana avec son fils dans le caddie. Les gens qui se bousculent, les queues interminables en caisse. Pour une micro revanche en cause d'un léger énervement, elle laisse gentiement le caddie toucher l'homme qui la précède. Comme tout le monde, l'homme se retourne et sort un "pardon !", elle réagit en accusant amusément son fils et s'excuse également. Ils en rient.
Ils en rient et l'homme intéragit avec le fils dans le caddie. Ils rient jusqu'à un déclic. Pas des moindre. Elle regarde attentivement l'hômme, cheveux gominés, yeux clairs, bouche fine. Elle le reconnaît. Elle le reconnaitrait parmi 1000.
L'homme qui a tué son frère d'une balle dans la tête il y 23 ans. Relaxé il y a 18. Elle avait 13 ans, son frère 22. Elle a suivi le procès à l'époque. Elle ne s'entendait pas super bien avec son frère, mais il restait son frère.
Cet homme a tué de sang froid 3 personnes. Trois personnes victimes d'avoir au mauvais endroit au moment ce jour là. 3 personnes dont son frère.
Parylisie puie panique, elle prend son fils dans ses bras et rejoint sa voiture.
Pause. Respiration. Larmes aux bords des yeux. Son fils dans le rétroviseur qui ne comprend pas et pose des questions.
Elle veut le revoir; Elle tourne et retourne dans le parking. Rien. Puis là, elle le voit, pas lui, son fils, 12 ans, vidant un chariot. Elle s'arrêt, le regarde. Pensées à 1000 à l'heure.
S'il lui arrivait quelque chose, un accident est si vite arrivé, son père comprendrait la souffrance... Revanche. Accélérateur : 20 - 30 - 50 miles... freinage brusque. Coeur palpitant.
Le garçon n'a même pas réagit. Il se retourne alors lentement, écouteurs aux oreilles. Elle lui fait signe, et engage la conversation. Questions posées : l'homme a une vie bien rangée maintenant : chauffeur de bus, femme, enfant, maison -surement dans le quartier !. Si encore il avait un job qui permettait de sauver des vies... mais non, même pas. Haine, colère et tristesse monte. Elle quitte es lieux après avoir balancé à son fils que son père et un meurtrier.
Ce meurtrier vivait une vie tranquille, alors que son frère n'aurait jamais de vie. Jamais rien à dépenser dans un supermarché. Jamais de efmme, jamais d'enfant. Pas de villa non plus. Pas de boulot. Rien.
Elle rentre chez elle. Et sa vie va lentement changer. Créer un personne sur facebook pour rentrer en contact lui, et sombrer doucement dans une certaine folie menant à la souffrance des gens qui entourent cet homme, cet arracheur de frère.
Cachant tout à son mari bien sûr, les choses s'enveniment aussi dans sa propre vie : confiance perdue, poussée à voir un psy... elle reste malgré tout en contact avec l'homme. La tête et le coeur peuvent jouer des sales tours. Tourner l'esprit, changer une personne.
Elle se rend compte qu'elle le fait moins souffrir que ceux autour de lui, y compris elle-même. Elle veut arrêter. Juste laisser tomber.
Trop tard. Un soir, alors que son mari et son fils sont endormis à l'étage, elle le voit, là, dehors. Il demande à entrer. Elle ne sait pas quoi faire. Il entre, s'installe dans la cuisine, et la provoque, explique qu'il n'est pas stupide. Aussi, elle l'a chauffé et maintenant il faut terminer ce qu'ils ont commencé. Mais sa voix s'élève. Elle est consciente d'avoir laisser entrer un tueur chez elle, avec sa famille endormie à côté. Elle se rapproche pour essayer de le calmer, ne réveiller personne. Elle le touche d'une main, lui parle, de l'autre, à taton, attrappe la première chose qui lui vient : un "bag for life".
Eplosion de force, jeu magnifique. Fiction mais qui dit pas improble. Puissance. Beauté des aactes. Frissons. Tout ça avec une nana au milieu du plateau. Des images en saccades et noir et blanc sur les écrans. Epuration totale de la scène. Simplicité, efficience.
Merci pour ce bijou théâtral.